Symptôme d'un mal-être


Aujourd'hui j'ai pu dire quelque chose d'incensé que j'avais au fond de moi depuis un moment : "Maigrir ça m'angoisse".

Depuis quelques mois et années il s'est passé pleins de choses, j'ai eu mon bac, j'ai découvert la nourriture étudiante, la joie et le désespoir de devoir cuisiner tous les soirs pour soi, la pilule et même la dépression avec ses médicaments antidépresseurs qui peuvent vous faire perdre ou gagner aléatoirement du poids.

J'ai été malade à en vomir tous les mois pour des raisons inconnues, j'ai subi une gastroscopie pour comprendre, des prises de sang, à mettre des excréments dans des bocaux.. On a supposé une maladie génétique bénigne et j'ai dû modifier mon alimentation et mon mode de vie pour que mon foie supporte à nouveau l'ingestion d'aliments. J'ai banni les herbes, les épices, le poivre, le trop gras, surtout le trop sucré, le gras beurré surtout. Tout s'est ajouté à mes allergies aux cucurbitacés pas assez cuit, au saumon et fruits de mers, aux fruits exotiques. Me nourrir devenait compliqué.
Par moment c'est un problème parce que je n'ai plus d'idées de plat et que j'en ai marre de manger toujours la même chose. Ou que j'en ai marre de devoir manger.
A ce souci s'ajoute l'ambiance qui m'entoure. J'ai grandi avec des parents en surpoids variable. J'ai grandi sans comprendre l'importance de manger, parce que j'avais mieux à faire, parce que je préférais jouer, parce que je ne voulais pas être grosse comme mes parents.
Puis, je n'ai plus eu le choix de manger ou non sans passer par l'hôpital alors j'ai ouvert la bouche pour y échapper. Pour ne plus avoir à prendre un sirop goût banane absolument atroce qui me donnait envie de vomir.

J'ai été mince et j'ai détesté ça. J'ai été mince avec des gros seins et soudainement on ne voyait plus que ça. Je n'étais plus qu'une paire de seins bien avant d'être une personne. J'étais comme déformée, déséquilibrée avec une protubérance anormale. J'étais une bimbo mal dans sa peau de rentrer dans du 36-38, le rêve d'une adolescence tortueuse. Tout ça pour se rendre compte que ce rêve certes atteignable, n'était juste pas moi. Je ne voulais pas être mince avec des seins. J'ai repris du poids après les examens médicaux, après le verdict. J'ai repris des formes.
Aujourd'hui mon poids oscille d'un jour à l'autre sur la balance. J'ai des cuisses et des hanches, et je ne cherche plus à avoir des courbes lisses comme un dessin ou un magazine. J'ai des kilos en trop qui me sont nécessaire pour être "bien dans ma peau". Et tant pis si ce "bien dans ma peau" ne se trouve pas là où la société le voudrait.
Dans tout ce mic-mac il y a quatre ans je me suis mise en couple. Jamais dans une relation on ne m'avait jugé grosse ou trop ceci-trop cela. J'avais appris à ne pas trop complexer, à me rassurer. Jusqu'à entendre ma mère me dire une fois de plus, une fois de trop que j'avais grossi, et mon homme me dire que je lui donnais moins envie par ce poids en surplus.
Je ne sais pas quoi faire de tout ça. J'ai mal d'entendre que je suis lourde à secouer. J'ai mal d'entendre que cinq kilos peuvent faire une si grande différence sur le désir, comme si mon rire, mes expressions, ma façon de faire, mon odeur, que tout ça n'était pas important par rapport au poids sur la balance.
J'ai mal de me dire que mon copain est du genre à focaliser sur ce genre de choses. J'ai mal aussi parce que je ne suis pas la plus grosse qu'il ait pu avoir dans son lit, mais j'ai changé alors c'est moins acceptable soudainement ?
J'ai mal de pouvoir être vue comme désirable pour d'autres mais pas forcément pour lui.

J'ai mal de cette société aussi, qui me voudrait maigre, de ces gens qui me disent que si, le sport va aussi me faire perdre de la poitrine et que ça va s'équilibrer, comme si la physiologie de mon corps n'existait pas, comme si on était tous pareil, sur la même échelle et qu'on pouvait tous atteindre un certain but sociétal avec plus ou moins d'efforts.

Je suis las, de ces efforts sportifs entre la fatigue, le travail, les études, la thérapie et toujours quelque part dans un coin de ma tête le harcèlement.


EDIT 2021 : Ces mots, je suis contente de les avoir écrit. J'aimerai pouvoir y revenir magiquement, mais je suis humaine et donc influençable et j'ai fini par grossir "trop" pour rester "bien dans ma peau". Les TCA ne sont jamais vraiment partis, car jamais vraiment traités et l'angoisse de maigrir pour redevenir la meuf aux gros seins est toujours là, m'empêchant de me lancer vraiment dans un projet de perte de poids. Si la magie n'existe pas, les opérations si, depuis mes 15 ans j'envisage une réduction mammaire, sans jamais avoir la force, le courage, de dépasser la peur et d'entrer dans un cabinet pour des renseignements. Je crois, à 27 ans qu'il est temps de faire la paix à ce niveau et de me renseigner pour peut être pouvoir engager une perte de poids en étant consciente que des solutions existent si malgré le sport et l'alimentation, ma morphologie me dérange encore. Il est temps, de remédier à ce mal-être.

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