Je crie au vent sur cette haute falaise. Je suis seule maintenant. Je tombe dans la mer. Peux-tu m'entendre de là où je suis ? Peux-tu savoir ce que je fais ? Et je crie, j'hurle l'agonie qui m'entraîne. Et j'hurle et je crie, les insomnies qui chassent mon sommeil. Je vois le chemin de fer et le train qui quitte la gare. Et je sens les gouttelettes de pluie qui s'abaissent vers moi. Vers les falaises d'Etretat. Je suis seule là-haut. Je suis seule dans l'eau. Que faire à présent.
Tout ça me paraît bien dérisoire puisqu'il n'existe que l'eau qui m'entoure et mon corps qui se fait lourd. Je coule parce que je n'ai pas la force de nager. Mes yeux se ferment sans que je l’aie demandé. Je sombre tu sais. Je sombre et je ne veux pas t'entraîner dans ma chute. Ca fait mal et tu n'en as pas besoin. Toi, rien ne peux te sauver à mes yeux. Tu es comme tu l'as toujours été. C'était juste la goutte de trop pour moi, d'avoir cru une seconde que je pourrais y changer quoi que ce soit, ou que tu aurais le courage de continuer ainsi. C'est moi qui coule, qui pars dans l'histoire. Mais tu verras plus tard que c'était mieux comme ça. On m'appelle ailleurs. Dans un autre monde, dans un autre univers où tu n'as pas ta place. Un monde où il n'y a personne hormis moi. Je pars, c'est dur, de laisser derrière moi mon armure. De la même façon dont je l'ai toujours fait. Et un dernier sourire sur mes lèvres pour encore vous faire croire que l'unique fille gâtée va bien. Nos destins se quittent ici puisque je l'ai décidé. Je vais mal et personne ne le voit. Personne ne comprend l'ultime signal qui annonce mon verdict, ma mort insolente face au soleil brillant de joie. Et mes larmes, plus jamais on ne les verra rouler sur mes joues à la lumière, car désormais comme je l'ai toujours voulu je suis la fille de l'ombre. Je ne suis Personne.
Je ne suis personne comme l'ombre à travers la nuit, comme la marche qui te fait trébucher dans les allées pavées, je suis la sonnette qui refuse de marcher, la coupure de courant qui te coince de longues heures dans l'ascenseur. Je suis l'erreur que tu commettras, l'horreur absolu qui te couvre de malheur. Je suis une erreur qui n'a pas lieu d'exister. Je suis la partie méchante de ton reflet dans le miroir. Je suis le mensonge que tu profère et la drogue que tu procures. Je suis né comme ça, sans compter pour personne, dans l'ombre même d'un humain. Je suis né en démon sans pouvoir m'en défaire. Je suis né dans la luxure et dans cette soif d'amour qui ne m'atteint jamais. Je suis la lettre cachetée de la poste qui n'arrivera jamais. Je suis cet être que tu répugnes sans le savoir, mon envergure que tu dédaignes sans la considérer. Je suis la reine déchue à qui on a volé son trône, son sceptre et sa couronne. Je suis la princesse sans son prince. Je suis une pierre sans éclat, un aliment sans gout, de l'eau solide, je suis le clown triste. Je suis du poison et même une vulgaire poussière.
Je suis la tristesse en bouteille. J'ai été jetée à la mer et alors qu'on pensait que je flotterai je me dégonfle. L'air sort et l'eau me remplit. Elle ressort par mes yeux mais ce n'est jamais assez, elle m'essouffle, me remplit, me comprime les poumons, je sombre, je coule, le tout plus vite que le Titanic. Et je meurs. De la façon la plus ignoble. Je demeure dans le chaos, dans la parcelle d'ombre mystérieuse qui n'intéresse personne.
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