<< Mais personne ne tombe. >>


Cette haine qu'il m'insufflait était ravageuse. La rage coulait à présent dans mes veines, nuit et jour, sans jamais s'éteindre, sans jamais faiblir. J'étais en colère. Une colère noire, sans égale, sans cicatrisation possible. Les blessures qu'elle provoquait en moi ne se refermeraient pas. Cette énergie négative que je ne pouvais pas maîtriser, je ne la contrôlais pas, j'avais déjà arrêté ma volonté pour tenter de la comprendre, de la canaliser.. De la faire Disparaître. Mais je me suis bien vite rendu compte, qu'il n'y avait pas de médicaments pour moi. Il n'y a pas de guérison possible à la maladie de la haine. J'ai beau essayé l'amour, rien n'y fait, ça ne marche pas non plus. Je ne peux plus me retourner en arrière, c'est trop tard, cette aiguille de méchanceté est bien trop enfoncé dans mes veines. Elle touche le coeur, elle le fait s'accélérer. Devant mes yeux troublés, mes mains sont de nouveau ensanglantées. Le sang bat dans mes tempes. Qu'ai-je fait ? Et cette haine. Je me mets à courir. Courir loin. Loin de ce corps, étendu face vers le sol, qui se vide de son sang par chaque blessure. Ce corps qui ressemble tant au mien. Mais qui suis-je dans le fond ? Le diable. Par cette haine vengeresse qui m'assaille. Elle me prend aux tripes, elle m'emporte. Je ne pourrais jamais oublier maintenant. Jamais. C'est trop fort, ce sentiment. Cette rage, cette jalousie, cette haine. Tout devient néant, dans ma colère, je ne vois plus rien. Tout est noir autour de moi. Une couche opaque devant mes yeux. Je ne veux plus voir et subir cette réalité. Je détruis tout. Je veux Détruire. Manipuler jusqu'à briser ce coeur qui me fait mal. Ce coeur qui me vole mon âme. Celui-là même qui tord le mien de part et d'autres. Les mauvais pressentiments sont les pires, ils résonnent dans ma tête.
J'imagine encore la scène. Les acteurs et la lumière. Peut-être même qu'il grêlerait. J'avais la hargne de ce rêve. De ces images qui se répètent en boucle dans ma tête. Je ne comprenais même plus les mots qui défilaient devant mes yeux, ni ses paroles qui s’échappaient de sa bouche large et fine. J'avais ce vide bourdonnant dans ma cervelle depuis qu'il m'avait insufflé ces quelques mots. Il n'avait pas le droit. Je n'allais pas tolérer cela. Ce n'était pas Possible. Pas Envisageable. Pas Imaginable. J'avais la haine, soudain. Il n'avait pas le Droit, de tout casser. De briser le fil dorée que j'avais mis tant de temps à préserver des tempêtes, du vent, de la pluie et de la neige. De la grêle et des brisures, ce fil qui pourtant s'amenuisait. Je l'avais chéri, guérit, j'avais veillé nuit et jour à ce que jamais il ne casse, à ce que jamais ce fil ne se rompe. Et lui, il débarquait tout juste et se permettait de tout foutre en l'air. Par un simple coup de ciseaux. Comme ça, parce qu'il avait rencontré quelqu'un. Non. Je ne pouvais pas laisser faire ça. Et ce bourdonnement qui me résonne dans les oreilles, ce vide, ce silence dans mon esprit, ou plutôt ce tourment que je n'arrive pas à estomper. Il repeint mes murs internes. Il me donne des frissons. Je le maudis. Lui. Et ce trouble qui me prend. Ce vertige qui me menace.
J'ai envie de crier, de hurler. De M'égosiller jusqu'à ce que tu reprennes raison, jusqu'à ce que je te fasse mal. Que je blesse profondément ton âme. J'ai envie que tu sentes, toi aussi, ce goût salé de larmes et ce goût amer de rancœur. Que tu ressentes le sang qui coule et son odeur de cuivre, de métal dur et froid alors que s'écoule ce liquide doux et chaud. J'aimerai te frapper, te maudire, me défoncer et avaler une boîte entière de médicaments. J'aimerai briser toutes les vitres de ce monde, et tuer par la hargne et la haine qui s'empare de moi après ta trahison. Je veux te voir traqué comme une bête. Je veux voir tes yeux hagards, les yeux affolés d'un homme recherché. Je veux voir la détresse et la panique de me perdre envahir tes traits. Je voudrais te faire perdre tes moyens. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Rien ne se passe. Je n'hurle que dans ma tête. Tu ne te bouches pas les oreilles, mais poursuis ton monologue. Je ne l'écoute plus depuis longtemps. Je me suis arrêté au mot "fini". A peine deux phrases. Je ne veux pas d’explications. Je ne peux pas les comprendre. Je ne veux pas les entendre.

Ma tête cesse lentement de me harceler. Ce bruit sourd, ce bourdonnement glauque cesse enfin. J'entends de nouveau. Les oiseaux dans le ciel, le bruit des voitures au loin. La vie de la rue. Sur le coup, j'encaisse. Comme je l'ai fait si souvent ces quelques dernières années. J'encaisse tes paroles. Tes maux veloutés. Bientôt tu te retourneras ou bien ce sera moi. Je ferais un premier pas, chancelant, puis je ferais semblant, remontant dignement la rue jusqu'à m'éloigner complètement, jusqu'à disparaître de ton champ de vision, jusqu'à sortir de ta vie. En laissant derrière moi les frissons du premier jour. En gardant en moi cette haine et ce coeur brisé. Je veux me voiler la face. Je veux montrer que j'ai confiance en moi, bien que désormais ce n'est plus du tout le cas.

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