Pourquoi j'arrête mes études en sciences ?


Depuis 2012 j'ai la chance de faire des études supérieures. Je suis la première de ma famille proche à avoir cette chance alors depuis toujours on m'a dit de viser un bac scientifique, qui ferme moins de portes que les autres. On m'a toujours répété de garder le plus de choix possibles et bêtement je l'ai fait. Cependant cela m'a quand même fermé des portes de métiers plus artistiques, plus littéraires. Je suis passée d'une bonne élève au collège à une élève très moyenne au lycée. Ma mère était dans tous les conseils de classes, s'épanouissait parmi les parents d'élèves, s'engageait dans les associations liées. Elle était toujours là, quelque part, à prendre plus de place que moi dans mes propres études. Elle voulait tellement que je réussisse et surtout que je ne redouble jamais que j'ai fini par me pousser juste assez pour que cela passe.
Sauf qu'avoir un bac sans mention, a à peine la moyenne, cela n'ouvre que peu de portes en soi. De plus en plus l'accès aux études supérieurs est lié à la classe social, si on peut se payer une école à 5000€ l'année pour faire le métier de ses rêves ou non.
Au départ je voulais faire une école de publicité/communication et ma mère m'a fait comprendre que ce serait trop cher. Je l'ai mal pris parce qu'ils en avaient les moyens et je me suis dit que je ne valais sans doute pas assez pour eux pour mériter cet investissement.
J'avais jusqu'à présent toujours travaillé pour mes parents. Pour mériter les vêtements, le logis, la nourriture, les cadeaux de noël et d'anniversaire. Une vision très perverse de l'argent, du mérite et des études, comme si la réussite méritait de tout donner, même pour un métier qui ne nous correspond pas.



Faute de pouvoir demander une bourse, faute de courage pour m'expatrier dans une autre région, après avoir été refusée dans une licence spéciale d'italien anglais, je me suis retrouvée par défaut dans une fac de sciences en septembre 2013, après un été a être malade sans qu'aucun médecin ne sache l'expliquer.
J'ai validé ma licence 1 en 2015, après une opération pour diagnostiquer une maladie génétique, après une rupture et du harcèlement, après un sentiment d'abandon de mes parents qui parce que j'avais le bac, donnaient l'impression de se foutre de mes études. Toute ma vie avait tournée autour des études et c'est en débarquant à l'université, ce monde qui laisse seul les étudiants face à eux-mêmes, tout mes problèmes personnels dans ma tête ont ressurgi. J'ai lutté 3 ans pour les mettre dans une boite, à valider une à une les matières, à repousser le moment où je devrais gérer mes soucis. J'ai aussi découvert une famille à travers une association étudiante, j'ai découvert le bénévolat, les soirées étudiantes, j'ai découvert la vie, la liberté, les choix, le sexe, les relations, les amis, j'ai rencontré la vie d'adulte et j'ai compris que chaque choix, ferait de moi l'adulte que je serai.



Je vivais encore chez mes parents et c'était deux mondes qui ne s'entendaient pas. Ma mère s'attendait encore à ce que je dorme à minuit alors que je finissais certains cours hors séquence à 22H à plus de 30 minutes de chez moi. Le temps de rentrer, manger, travailler pour le lendemain semblait impossible en deux heures de temps et elle ne le comprenait pas.
Je n'avais pas la force de me dresser face à eux, leurs habitudes, leur mode de vie pour leur faire comprendre. Ils ne s'y sont pas non plus très intéressé. A part les notes, valider une année, il n'y avait jamais de question sur mes amis, mes rencontres, ma vie d'étudiante. Il y avait de la malnutrition parce que ma mère ne me donnait que 20 euros pour manger par semaine les midis et comme c'était un tabou fort, je n'ai jamais osé demander plus. Alors après les sandwich quasi vide, j'ai fini par une année ne manger le midi que des cordons bleus et des nuggets carrefour, toujours cuit au micro-onde. J'en voulais à mes parents de ne pas se poser de question sur ce que je mangeais, ce qu'on pouvait réellement acheter avec cet argent réellement pour manger chaque midi dans un fac un peu reculé, avec une heure maximum pour sortir d'un cours, allez acheter et manger puis être déjà devant la prochaine salle de cours.
J'ai choisi la fuite dès que ça a été possible. J'ai rencontré quelqu'un avec qui c'est devenu très vite sérieux, j'étais la première étonnée de trouver une personne stable pour moi à qui je m'attachais. J'ai déménagé progressivement, si progressivement que personne n'a eu rien à redire, que mes affaires se vidaient peu à peu chez mes parents. 6 ans après je vis ici, mais selon l'état j'habite encore chez mes parents, même si dans les faits c'est faux depuis si longtemps. Ca a été du repos de ne plus avoir l'ambiance familiale, de leur couple dans ma vie quotidienne. Mais ça n'effaçait pas tous les problèmes, il s'en posait des nouveaux et partir de chez mes parents m'a aussi fait ouvrir les yeux sur pleins de choses.
Alors après avoir enfin validé cette licence 1, j'ai mis ensuite 4 ans à valider une licence 2 que je viens seulement d'obtenir. Parmi ces 4, il  y a eu 3 années de dépression, de déni, de changement de psychiatre, de visites chez la psychologue de l'université, à remettre en question le fonctionnement automatique de mon cerveau, et mon plus grand ennemi : ressasser. J'ai découvert que j'étais sujette non pas à la dépression saisonnière mais à la dépression quand j'arrivais à la fin de quelque chose. Les fin d'année scolaire, les fin d'années civiles, la fin d'un grand projet, chaque fin de cycle m'était très difficile à vivre alors que chaque début était si facile et joyeux.
Depuis le bac, j'ai pu réfléchir au métier que je voulais faire et si je l'ai souvent remis en question, j'ai décidé de devenir prof des écoles, ce qui demande, une licence, un master, 5 ans d'études minimum et un concours à réussir.



Je suis dans une filière de SVT, je n'ai pas de spécialité en biologie ou géologie, je fais une filière assez unique à l'UCBL pour être professeur et passer surtout CAPES/AGREG, voir CRPE.
Le CRPE c'est le concours qui m'intéresse et ma formation actuelle ne s'y prête que peu. On a deux cours de pédagogie dans l'année, tout le reste n'est que sciences, par coeur, exposés, QCM et maintenant que j'ai vu la réalité du métier après un stage sur deux mois, je comprends que le concours ne s'obtiendra pas avec ces enseignements là. Alors cet été je postule pour une Licence 3 dans une autre fac, de lettres, pour étudier les sciences de l'éducation, avec des enseignements basés uniquement sur l'enfant, son développement, sa pédagogie, la transmission de savoir, parce que ça m'intéresse beaucoup plus que d'apprendre du par coeur qui ne me servira pas, et surtout ça me servira vraiment.
Alors j'espère que je serai prise, et que je n'aurai pas dans un mois à écrire un article sur mes sentiments face à un refus.




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